De Bruno Traversi et Alexandre Mercier (dir.), Editions du Cénacle, 2018.
Étiquette : imaginatio vera
(Extrait) Préface pour le livre de Bruno Traversi, L’Arrière-monde ou l’Inconscient neutre
Par Antonio Sparzani, physicien théoricien à l’Institut National de Physique Nucléaire italien
« J’ai eu un cas, un universitaire, un intellectuel très mono-orienté. Son inconscient était devenu perturbé et très actif ; tant et si bien qu’il faisait une projection de lui-même sur d’autres hommes qui semblaient alors être ses ennemis, et il se sentait terriblement seul, car tout le monde paraissait être contre lui. […] Lorsque tout ceci devint trop difficile à tolérer, il vint me demander conseil sur quoi faire. En cette occasion, j’eus une impression assez bien définie de sa personne ; je me rendis compte qu’il regorgeait d’éléments archaïques […] »
C’est ainsi, sans en mentionner le nom, que Carl Gustav Jung décrivit sa première rencontre avec Wolfgang Pauli, durant le débat qui suivit la cinquième des Tavistock Lectures, tenue directement en Anglais, du 30 septembre au 4 octobre 1935, sur l’invitation du Britain Institute of Medical Psychology (Tavistock Clinic) à Londres, Malet Place .
Ce premier contact eut lieu en janvier 1932, lorsque le père de Wolfgang, Wolfgang Joseph, un médecin-chimiste ayant fait carrière à Vienne, au début du siècle, un peu soucieux vis-à-vis de la santé mentale de son fils, lui conseilla de se tourner vers son collègue Jung.
Pauli, qui avait alors trente-deux ans, était déjà un physicien théoricien de grand prestige : il avait introduit la nouvelle grandeur du nom de spin dans le domaine de la physique atomique, avait formulé le principe de l’exclusion, qui donnait enfin une explication claire au tableau de Mendeleev (introduit en chimie cinquante ans auparavant), et avait déjà postulé l’existence d’une nouvelle particule, le neutrino.
D’un autre côté, il traversait une période d’inquiétude aiguë sur le plan personnel, due au fait, d’après ses dires, que son succès, certes, en physique, ne s’étendait guère sur le plan des relations avec l’autre sexe. […] Lire la suite « (Extrait) Préface pour le livre de Bruno Traversi, L’Arrière-monde ou l’Inconscient neutre »
Le corps inconscient et l’Âme du monde selon C.G. Jung et W. Pauli
De Bruno Traversi, L’Harmattan, 2016
Avec une préface de Michel Cazenave
et une postface de Baldine Saint Girons
En deçà de notre corps «ordinaire» (sensitif et réactif, «corps animal»), il existe une autre dimension du corps, qui nous relie à ce que C.G. Jung et W. Pauli appellent l’«inconscient collectif» et qu’ils identifient à l’âme du monde. C’est ce «corps originel» que l’auteur nous décrit, en comparant les pratiques corporelles occidentales et orientales. Au confluent de l’Occident et de l’Orient (du Japon), Bruno Traversi fonde son étude sur la collaboration, 25 ans durant, de Carl Gustav Jung avec Wolfgang Pauli, l’un des «pères» de la physique quantique, autour du rapport de l’esprit et de la matière. De la même manière qu’il existe un arrière-monde (étranger à la flèche du temps et à la causalité) au sein de la matière, un arrière-monde au sein de l’esprit, il existe un arrière-monde au sein du corps – un «corps originel». L’auteur décrit précisément, à partir d’observations faites en séances pendant 10 ans, la nature et la spontanéité de ce corps originel qui porte les marques de l’éternité.
Le livre comprend une étude précise de la danse extatique Kagura Mai de Ueshiba Morihei (étude de la transe et de ses phénomènes associés, visions, modifications du rapport à l’espace et au temps, synchronicité).
Postface pour le livre de Bruno Traversi, Le corps inconscient
Par Baldine Saint Girons, professeure émérite de philosophie, Université Paris X
Le livre de Bruno Traversi est fondé non seulement sur la pratique et l’enseignement du katsugen’undo, de l’aikido et de la danse kagura mai, mais sur une solide culture philosophique et scientifique qui leur donne toute sa portée. Étudiant des domaines en apparence très éloignés les uns des autres, il réussit à établir entre eux des liens que les différents spécialistes du jury de sa soutenance de thèse à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense ont jugés probants. Ainsi s’inspire-t-il de façon inattendue, mais rigoureuse, à la fois de la philosophie de Plotin, de la psychologie analytique de Jung et de la physique quantique de Wolfgang Pauli. Et il a une grande familiarité avec l’œuvre du fondateur de l’aikido, Maître Ueshiba, puisqu’il participe à sa traduction et à son commentaire
Pluridisciplinaire, cet ouvrage est profondément philosophique, grâce à une interrogation constante sur l’articulation entre les différents types de savoir, de savoir-vivre et de savoir-vivre ensemble. Comme le rappelle Wolfgang Pauli, le « savoir scientifique » ne suffit pas : il nous faut un « savoir salvateur » qui s’intéresse au « soi » et qui rende au maître sa juste place. Si essentiel que soit le discours scientifique, il faut se souvenir qu’il y a en lui quelque chose que rien n’arrête, un « tout-savoir » qui efface le sujet de la parole (Lacan). Ce savoir universel et autonome, qui se moque des péripéties dont il est issu, il y a lieu de le relativiser par un discours autre, soucieux du sujet, de sa vérité, de ses possibilités de recentrement. Si les hautes figures des « sages » nous sont alors de la plus grande utilité, c’est qu’elles nous permettent de rabaisser celle des dogmatiques de toutes sortes, nantis d’un pouvoir exorbitant. Dans le « savoir-vivre philosophique», ce qui nous intéresse au premier chef est le perfectionnement d’un esprit, non pas pur, mais engagé dans un corps, non pas solitaire, mais vivant avec d’autres. La philosophie, en ce sens, est la chose du monde la plus concrète et se montre solidaire d’une pratique qui devrait en produire les signes quasiment palpables.
La voie que Bruno Traversi a choisie est donc indissolublement théorique et pratique : elle se situe au carrefour de la philosophie et des « pratiques corporelles » plutôt que dans la seule danse. Et cette recherche a pour cœur une réflexion tenace sur le statut et les mécanismes de la « spontanéité » – une des notions les plus difficiles et les plus paradoxales de la philosophie, et dont les antonymes sont à la fois l’imitation et la contrainte.
Le naturel, le spontané (ziran en chinois, shizen en japonais) est corrélé au non agir (wu wei). Qu’est-ce donc que la spontanéité qui se manifeste en moi sans moi et qu’est-ce que la non-action qui est pourtant la condition nécessaire, sinon suffisante, de toute action véritable ? Comment parvenir aux types d’états psychiques qu’elles préconisent sans m’engager dans une véritable régression ? Est-il vraiment possible de changer de plan, d’abandonner le registre de la vie ordinaire avec ses séquences ordonnées, temporellement irréversibles, et de me situer au moins provisoirement dans un autre monde, où je puisse me recharger en profondeur en entrant en relation avec quelque chose comme un centre, fût-il mythique ? Lire la suite « Postface pour le livre de Bruno Traversi, Le corps inconscient »
Atelier – Le Channel
Atelier – Danse Kagura Mai
Préparation lors de l’atelier où nous avons étudié la transe de la danse Kagura Mai de Ueshiba. Nous avons recréé la danse que décrivent Ueshiba dans Takemusu Aiki et Onisaburo dans ses écrits de l’Omoto. Ensuite, nous en avons fait une étude précise en montrant les modifications corporelles et psychiques qu’elles engagent. Nous avons pu ainsi mettre en évidence que pendant les transes de Ueshiba, il y a une modification du temps et du rapport à l’espace. L’espace entre les personnes ne comptent plus et on observe l’apparition des effets « psychophysiques » : paralysie partielle ou totale des corps dans des états de dissociation, frontières invisibles et pourtant infranchissables, couloirs de déplacements obligatoires. L’ensemble révèle une structure de l’espace dont nous n’avons pas ordinairement conscience. Cela rejoint les explications que donne Ueshiba sur un principe d’ordonnancement des corps qui existe en dessous du plan phénoménal et cela renvoie à la théorie de Jung et de Pauli d’un Arrière-Monde psychophysique qui peut se révéler à l’occasion de certains états modifiés de conscience.
L’éducation et l’art du sabre selon Ueshiba – Les carnets de Takemusu Aiki, 2
Collectif sous la direction de Bruno Traversi, Editions du Cénacle, 2016.